Vous avez détecté une baisse d’énergie et de motivation chez l’un de vos collaborateurs ?
Cela arrive, mais en tant que RH ou manager, mieux vaut agir vite avant que cela ne s’ancre et que les conséquences ne soient trop lourdes. En effet, selon une étude Opinionway* de 2020, le présentéisme (c’est-à-dire le fait d’être physiquement sur son lieu de travail mais psychologiquement vidé de tout engagement au travail), coûte 1200 euros par an par collaborateur (soit 2x plus cher que l’absentéisme).
Alors comment prévenir ce type de désengagement et entretenir la flamme dans vos équipes ?
Notre psychologue Émilie de Bueil vous explique les dessous de la motivation et vous partage des pistes concrètes pour la nourrir au quotidien.
*Sources: Opinionway study (2020), Psychodon, Harvard Business Review, Josh Bersin research study “The Definitive Guide for Wellbeing: The Healthy Organization”
Qu’est-ce que la motivation et pourquoi est-ce un enjeu phare en entreprise ?
Définition
“En tant que psychologue spécialisée sur les questions de motivation au travail, je m’aperçois que c’est un terme souvent mal compris chez les managers. Et je crois que cela crée beaucoup de confusion, d’incompréhension et de perte de productivité” témoigne Émilie de Bueil.
La motivation désigne une hypothétique force, un moteur que l’on sent en soi. Elle peut avoir des déterminants internes (comme notre personnalité / nos aptitudes) mais aussi externes (comme notre environnement / les gens avec qui nous sommes).
“Par exemple, durant la crise sanitaire, l’environnement de travail a changé pour beaucoup d’entre nous et le lien social est devenu une source de motivation plus forte. En bref, le moindre changement dans l’entreprise, dans notre vie ou dans la société peut potentiellement avoir un effet sur notre motivation ” explique la spécialiste.
Autre caractéristique clef à garder en tête : la motivation est quelque chose de protéiforme (d’où la confusion que l’on a avec ce concept comme elle prend plusieurs formes). Effectivement, ses perceptions sont très diverses selon les univers :
- Par exemple, dans un cadre de direction commerciale, quelqu’un de “motivé” est quelqu’un de réactif, qui fait du chiffre.
- Chez les start upper, c’est plutôt quelqu’un qui a de la persistance, qui tombe et se relève.
- Dans le recrutement, on dit d’un candidat qu’il est motivé quand il a dit oui à une offre, quand il a pris une décision.
Les deux écueils à éviter
Selon l’experte, il y a deux principales incompréhensions autour de ce concept de motivation :
- Premièrement, il y aurait “les gens motivés et ceux qui ne sont pas motivés”. C’est faux. Comme elle le souligne, la motivation n’est pas un trait de personnalité. “Il faut commencer par changer de prisme : on ne cherche pas quelqu’un “de motivé” mais plutôt “quelqu’un de motivé en ce moment pour telle mission avec telles personnes dans telle entreprise”” explique-t-elle.
- Ensuite, il est important de garder à l’esprit “qu’un manager ne peut pas à lui seul être responsable à 100 % de la motivation d’une équipe, ni même de quelqu’un. Il peut seulement encourager la motivation”. Et encourager la motivation, ça passe par le fait de créer du lien, d’organiser la charge de travail, de bien connaître les gens, d’être à l’écoute...
La motivation : un enjeu phare pour la société et les entreprises
Quels sont les risques quand la motivation n’est plus au rendez-vous dans nos quotidiens ?
Lorsqu’il n’y a pas de motivation, on parle d’amotivation. Et elle peut avoir des conséquences lourdes comme le burnout (appelé également syndrome d’épuisement professionnel) ou encore la dépression. “La dépression est un véritable fléau pour deux raisons. D’abord, parce qu’elle touche 20% de la population mondiale. Et ensuite parce qu’on la guérit avec difficulté : les possibilités de rechute sont très élevées - 50% de rechute en moyenne” précise la spécialiste.
Du côté des entreprises, cela peut aussi se traduire par le quiet quitting (“la démission silencieuse”) - ce phénomène qui fait le buzz depuis plusieurs mois. Il s’agit de salariés qui refusent que le travail soit au centre de leurs préoccupations et qui décident de ralentir la cadence, de ne plus courir après les promotions, en bref de faire le strict minimum pour préserver leur santé mentale. Pour les RH et les managers, au-delà du buzz, c’est surtout une nouvelle réalité avec laquelle composer. Une réalité qui implique de renouer avec les vrais leviers de motivation pour construire des environnements de travail que les salarié·es n’ont pas envie de quitter.
Comprendre les différentes sources de motivation pour mieux agir
Pendant de longues années, la motivation a été associée à la récompense. C’est à partir des années 70 que l’on s’est aperçus qu’il n’y avait pas une mais des motivations. On note notamment deux grandes familles de motivation :
- La motivation autodéterminée, c’est-à-dire le fait de se mettre en mouvement de manière naturelle. Soit parce que l’on ressent du plaisir à réaliser l’activité pour elle-même. Soit parce qu’elle permet d’exprimer une valeur qui est fondamentale pour soi. Par exemple, le fait de ramasser des détritus sur la plage : ce n’est pas un plaisir de le faire, mais elle peut permettre d’exprimer une valeur chère pour certains : l’écologie.
- La motivation contrôlante, c’est-à-dire le fait de se mettre en mouvement via une pression externe. Soit pour rechercher une récompense (par exemple, une meilleure rémunération de mon travail), soit pour éviter une sanction.
La différence entre ces deux types de motivation, c’est surtout le libre choix. Quand on est dans le cas d’une motivation autodéterminée, on a le sentiment d’avoir choisi cette activité. Si on ne trouve pas d’autodétermination, la motivation contrôlante est également bien. Parfois, elle peut même amener à de l’autodétermination par la suite.
Concrètement, que faire pour entretenir la flamme dans ses équipes ?
Recherchez la motivation auto-déterminante au maximum dans les missions confiées
En tant que manager/RH, questionnez-vous sur l’essentiel : qu’est-ce qui pousse les collaborateurs de mon équipe à se lever chaque matin pour venir travailler ?
Si vous ne savez pas, n’hésitez pas à leur demander : Que penses-tu de ta charge de travail ? Quelles sont tes envies d’évolution ? Comment as-tu envie de contribuer à la réussite de l’équipe / de l’entreprise ?
Les réponses à ces questions vous permettront ensuite de mettre en place les conditions pour favoriser la motivation auto-déterminante au quotidien.
“Prenons un exemple concret pour mieux comprendre. Vous avez une mission à donner dans votre équipe : la tenue d’un budget. D’abord, vous allez chercher dans l’équipe qui a le plus le plaisir des chiffres ou alors celui ou celle pour qui le sentiment d’utilité est un besoin fort (en effet, un budget étant très utile pour un groupe). Si personne ne se manifeste, vous pouvez ensuite jouer la carte de l’influence (par exemple : 90 % des gens passent par la gestion d’un budget pour être promus). Enfin, en dernier recours, vous pouvez faire jouer “l’autorité”. Même si ce n’est pas terrible, c’est toujours mieux que l’amotivation ou laisser tomber les collaborateurs. Et certains peuvent même se rendre compte dans l’action que ce n’est pas si terrible que ça” explique l’experte Émilie de Bueil.
Soyez attentifs aux signaux d’alerte
Repérer les changements de comportement chez vos collaborateurs est essentiel pour prévenir de potentielles démotivations. Voici une liste (non exhaustive) de signaux qui doivent vous mettre la puce à l’oreille :
- Une réduction de la productivité,
- Moins de contribution aux projets d’équipe,
- Des retards plus réguliers,
- Un manque d’enthousiasme,
- Un isolement par rapport aux autres membres de l’équipe,
Davantage d’erreurs
Gardez à l’esprit quelques bonnes pratiques
Si vous sentez qu’un collaborateur présente des signes de démotivation sur du long terme, voici quelques pistes pour le réengager :
- Instaurer des points réguliers avec lui. De cette manière, vous lui montrez que vous lui donnez du temps et que vous êtes tout à son écoute.
- Renforcer la cohésion d’équipe en organisant des évènements. En effet, les collaborateurs ont besoin de faire partie d’un collectif.
- Valoriser les efforts autant que les réussites. Pour cela, vous pouvez agir sur le salaire bien sûr, mais pas que. Les retours encourageants et constructifs sont tout aussi importants par exemple.
- Proposer des formations en interne pour développer ses compétences et lui montrer qu’il y a d’autres possibilités.
- Faire en sorte que chacun des collaborateurs ait les moyens (budget, équipes…) de réaliser ses missions.
En bref, montrez que vous cherchez des solutions avec elle pour aller de l’avant. Car là où il y a du choix, il y a de l’autodétermination.
Une dernière citation pour la route : celle de Richard Branson, célèbre patron de Virgin, et qui résonne bien en cette fin d’article : “Prenez soin de vos employés, ils prendront soin de votre entreprise”.